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mercredi 8 avril 2020

Le "Paris Roubaix de Bernard Duplaix" et les victoires de Hippolyte Aucouturier

Bernard Duplaix
Le "Paris Roubaix de Bernard Duplaix", c'est le texte rédigé ce jour par mon ami, l'écrivain hurièlois Bernard Duplaix. Je vous le propose ci-dessous tel qu'écrit par ce fervent du vélo que l'on voit régulièrement sur les courses du Centre de la France. Il nous parle également des victoires en 1903 et 1904 du Bourbonnais Hippolyte Aucouturier.
 
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NOUS N'IRONS PAS EN ENFER

Hippolyte Aucouturier (Photo Bernard Duplaix)
Cette année, pandémie oblige, dans beaucoup de foyers français, le prolongement du repas de Pâques ne conduira pas à allumer les postes de télévision pour suivre en famille la célèbre course cycliste Paris-Roubaix. En effet « La Pascale » et ses héros resteront silencieux…



    Créée en 1896, cette course est chaque année un évènement considérable, même pour qui n’est pas féru de sport en général et de cyclisme en particulier. Baptisée « l’enfer du Nord », elle tient principalement sa renommée de son décor. Le Nord de la France qui a vu tant de batailles s’y dérouler depuis la guerre de Cent ans, avec ses terrils et ses villages, garde  -mine de rien- les traces d’un riche passé industriel qui nous émeut. Ainsi, c’est à une authentique célébration du Nord que nous sommes conviés, comme une sorte de prolongement affectueux envers les héros de Germinal, grâce à la magie de la télévision. Les coureurs qui s’élancent chaque année sur les 254 kilomètres du parcours sont à leur tour les héros d’une épopée moderne qui donne ses lettres de noblesse au sport cycliste. Grâce aux commentateurs, la toponymie  nous est devenue familière  année après année : Troisvilles (entrée des secteurs pavés), Haveluy, Hornaing, Orchies, Cysoing, le carrefour de l’arbre. Mais que dire du lieu le plus mythique en même temps que le plus effrayant : la célèbre tranchée de Wallers-Arenberg ! Tous les ans les téléspectateurs du monde entier voient s’engouffrer à vive allure dans ce boyau semé d’embûches, une meute de 200 coureurs. Chacun retient son souffle : 2400 mètres d’une souffrance intense dont beaucoup ne verront pas la sortie, meurtris dans leur chair ou stoppés par un ennui mécanique. Seuls ceux qui tiennent le haut du pavé émergeront. Il leur restera encore à affronter 90 kilomètres et la météo du jour (nuages de poussière ou océan de boue), avant de rallier Roubaix et d’aller s’expliquer sur le vélodrome. L’ovation qu’ils recevront sera la récompense méritée d’un public connaisseur et admiratif devant l’exploit sportif et l’engouement qu’il suscite.

    Les visages noircis des coureurs à l’arrivée, leurs rictus de fatigue, auront rappelé pendant quelques heures à toute une région « les gueules noires » de jadis. Et c’est en cela que Paris-Roubaix relève du mythe.



AUX TEMPS HEROIQUES 
    Evoquer Paris-Roubaix c’est bien sûr se souvenir de tous ces grands champions qui en ont écrit l’histoire et bâti la légende. Une histoire faite de souffrances, d’injustices, et parfois de drames. Parmi les héros de cette course il me paraît louable de mentionner l’un de nos compatriotes bourbonnais, Hippolyte AUCOUTURIER, qui la remporta deux fois, en 1903 et 1904. Surnommé « le terrible », AUCOUTURIER, originaire de La Celle, près de Commentry, fut l’une des gloires du cyclisme aux temps héroïques. Il s’illustra principalement sur le Tour de France, remportant par exemple les étapes Lyon-Marseille (374 kms) et Marseille-Toulon (423 kms !), fut vainqueur de Bordeaux-Paris, mais c’est grâce à Paris-Roubaix qu’il recueillit sa part de gloire. Pouvons-nous imaginer ce qu’étaient l’état des routes au début du XXème siècle, le matériel des concurrents, l’assistance, la diététique ? Il fallait vraiment une énergie phénoménale pour se lancer une journée entière sur ces chemins défoncés, pavés de mauvaises intentions à chaque mètre, d’immondes fondrières à chaque virage, qui souvent conduisaient les malchanceux à l’hôpital. Cette course dantesque, pas étonnant qu’aujourd’hui encore beaucoup de coureurs la redoutent.
    En 1904, AUCOUTURIER, diablement fort, sortit de l’enfer en ayant fait parler toute sa classe. Il est vrai que poussé par un fort vent du sud, il rallia Roubaix en compagnie d’un adversaire qu’il n’eut aucun mal à battre au sprint. Epilogue à peine croyable, l’avance sur l’horaire prise par les deux échappés était telle que les officiels n’avaient toujours pas regagné leur poste, attablés qu’ils étaient dans un restaurant à l’heure du café. On envoya un gamin les chercher. Accourus à la hâte dans les tribunes, ils apprirent le classement de la bouche même des deux coureurs ! Premier : AUCOUTURIER ; second : GARIN.
    L’an passé, la ville de  Commentry a tenu à honorer le grand champion en donnant son nom à un parcours de santé. Juste reconnaissance envers l’un des siens que les photos d’époque nous rendent sympathique, avec son maillot rayé, rappelant que les conditions de Paris-Roubaix s’apparentent aux travaux du bagne,  avec ses moustaches symétriques à son guidon, et sa casquette plate d’honnête ouvrier du pédalier.
    Pour conclure je ne résiste pas au plaisir de livrer cette anecdote : quand il préparait ses classiques, AUCOUTURIER demandait aux coureurs des clubs de Montluçon de l’accompagner dans ses entrainements. Ces derniers, fiers de côtoyer le champion, s’astreignaient à participer aux deux sorties quotidiennes, ce qui faisait dire aux observateurs qu’ils allaient deux fois par jour à La Celle.

Bernard DUPLAIX